Fidèle supporter de l’AJ Auxerre depuis son enfance, Nicolas, 39 ans, a connu toutes sortes d’émotions au stade de l’Abbé-Deschamps. De la Division 1, à la Ligue 2 en passant par la Ligue des Champions, il nous dévoile les coulisses du stade.
La passion du football se transmet souvent de père en fils. Pour Nicolas l’histoire n’est pas différente. En 1991 il s’apprête à découvrir son premier match de foot au stade, aux côtés de son père. « Ça remonte à très loin, en 91 de mémoire. On avait gagné 4-0 contre Sochaux, avec une ambiance particulière pour moi. En arrivant j’avais crié ‘allez les jaunes !’ sans savoir qui était Auxerre et qui étaient les Sochaliens… Mon père m’avait évidemment repris » se souvient amusé celui qui est devenu amoureux du club.
A l’époque où la Ligue 1 s’appelait « Division 1 », le stade de l’Abbé-Deschamps, inauguré en 1918, accueillait le championnat dans une version plus vintage. « C’est un stade un peu anciennement à l’anglaise, ouvert sur les angles, décrit Nicolas. Nous sommes très près de la pelouse, et c’est très agréable de voir les joueurs tout proche. »

Construit à la demande de l’Abbé Ernest-Théodore Valentin Deschamps, également fondateur de l’Association de la Jeunesse Auxerroise, le stade s’appelait à l’origine Stade de la Route de Vaux. Erigée dans les années 30, une seule tribune d’environ 200 places accueillait le public. Aujourd’hui centenaire, l’enceinte de l’AJA, rebaptisée en l’honneur de l’Abbé en 1949 s’est bien développée, en conservant ses traits d’antan. « Il ne cesse de se moderniser, notamment depuis le rachat du club par James Zhou (en 2016, ndlr) explique Nicolas. Des travaux importants y ont été faits, avec des sièges bleus installés, des loges construites en haut de la tribune latérale. Les contours de la pelouse aux couleurs du club personnalisent agréablement le stade à l’effigie du club.«
Une modernisation constante pour un stade emblématique
L’AJ Auxerre a marqué toute une génération (avec un maillot mythique), faisant venir dans son stade des clubs comme Arsenal, l’Ajax Amsterdam ou le Real Madrid dans les années 2000. Auréolé de son premier titre de champion de France en 1996, l’AJA a fait grandir son stade progressivement, en même temps que son équipe. « L’abbé-Deschamps c’est typiquement le stade de football à l’ancienne : difficilement accessible les grands soirs et avec une ambiance à la fois sombre et entrainante. Quand les ultras lancent l’ambiance, c’est tout le stade qui suit » raconte Nicolas, se remémorant les soirées européennes du club.
Le club auxerrois a longtemps mis en lumière la petite ville de l’Yonne et ses ≃ 35 000 habitants. Logiquement, avec ses 18 541 places, le stade de l’Abbé-Deschamps n’a pas toujours fait comble : « Ce n’est pas un stade bouillant, même à l’époque en Ligue 1, il était rarement à guichets fermés. Lors des grosses affiches comme contre Paris ou Marseille, beaucoup de personnes venaient y supporter l’équipe adverse, déplore Nicolas. Par contre en coupe d’Europe c’était autre chose, c’est toute une région qui se déplaçait. Les gens venaient de Troyes, Orléans, Dijon par exemple. Maintenant que ces villes ont un bon club, le stade se remplit moins et les gens ont changé de veste. »
Malgré la descente en Ligue 2 lors de la saison 2012-2013, le stade a continué d’évoluer, cherchant à s’octroyer une identité forte.


« Tout a été repeint et de nouvelles affiches mises en place, une vraie différence par rapport aux années 90 » décrit notre supporter. Le design n’a pas trop changé, les deux tribunes latérales sont toujours restées identiques, seules celles derrière les buts on été agrandies en 94 -95. »
Sans hommes forts comme Guy Roux ou Djibril Cissé, l’AJA peine à récupérer ses lettres de noblesse. Mais son stade reste un incontournable : « Aujourd’hui encore quelques étrangers qui partent en vacances et passant sur l’A6 font un détour par Auxerre pour voir la ville et le stade. Uniquement les connaisseurs de foot je suppose » reprend Nicolas, avant d’ajouter, nostalgique : « Mais on est loin de l’époque des matchs de coupe d’Europe, où l’ambiance des gros matchs se sentait dès le début d’après-midi en ville. On klaxonnait tous. Les commerçants décoraient leurs vitrines avec des drapeaux et écharpes de l’AJA. Il n’y a jamais eu de débordement ou bagarre avec les supporters étrangers en ville. J’ai déjà bu un verre avec des supporters danois de Aalborg. Aujourd’hui avec la Ligue 2, toute cette ambiance a disparu. Les après-midis de match sont banals comme si de rien n’était… »
A l’Abbé-Deschamps, Nicolas a une multitude d’anecdotes. Il a notamment assisté à la plus large victoire de l’Equipe de France (10-0) contre l’Azerbaïdjan en 1995. Mais plus atypique encore, il a obtenu des autographes des joueurs grâce à l’architecture du stade et un coup de pouce de son père : « L’accessibilité aux joueurs après les matchs est facile puisqu’ils sortent à l’arrière de la grande tribune latérale honneur. Un soir de match en 93, mon père avait un peu bu, il avait donc la parole facile. Après avoir insisté longuement, il a réussi à faire sortir Guy Roux du bus. Ce dernier a ensuite réclamé à certains de ses joueurs d’en faire autant. Ce soir la j’ai eu mes premiers autographes de Baticle, Cocard, Vahirua, Martins, Rabarivony et donc Guy Roux, un grand moment ! »
Pierre Caron